TDM51 Novembre 2010 : Carenage à Trinidad.
Voilà bientôt 2 ans que je n’ai pas caréné La Licorne, et au départ de Guyane, il m’a fallu faire relâche aux îles du Salut afin de bouchonner ma monture… 2 jours en apnée à gratter la coque où avait élu domicile nombre d’algues, mousses, crustacés, coquillages… Vous vous souvenez peut être que la dernière gratouille pratiquée fut en Baie de Tous les Saints à Itaparica sur la lagune, il y a quelques semaines ?…l’antifouling St Macloud ?….. Ici pas d’endroit où « beacher » (échouer sur la plage) le bateau.
Il est vraiment temps de remettre une bonne épaisseur de cette fameuse peinture anti salissure (antifouling), anti-crustacé, anti-accrochage, anti-moquette, sur la jupe de La Licorne. Mais pour ce faire il faut sortir de l’eau les 30 tonnes d’aluminium….. et ce ne peut se faire qu’à Trinidad tout là bas aux Antilles.
Trinidad et Tobago : sont les plus méridionales des Antilles, faisant partie des West Indies selon les anglosaxons (ce qui me parait pour le moins cocasse étant à plus de 10.000 kms de l’Inde…. Peut être en souvenir de Christobal Colomb qui pensait retrouver l’orient l’Asie en traversant l’Atlantique… ? )
Indépendantes depuis, ce tout petit pays de 5128 Km² est à portée de main du Venezuela de Ugo Chavez. A moins de 12 kms de la péninsule de Paria la bien nommée, car lieu de pas mal d’attaques de pirates ces dernières années. Côte américaine gangrenée par les trafiquants de drogue qui sillonnent le coin en embarcations hypermotorisées…. (j’ai vu des embarcations de 8m de long fuselées, avec 3 moteurs de 350 cv aux fesses…. Avec 1000 cv mieux vaut ne pas étendre les bras en nav……..).
Le risque est de tomber sur ces loubards qui peuvent le temps d’une cargaison, utiliser votre bateau comme moyen d’exporter la coke aux US.
Donc reprise de la mer pour 500 nautiques, direction les Caraïbes.
Loin d’être sous développé Trinidad et Tobago (TT en abrégé, prononcé TiTi) est exportateur de produits pétroliers dont le fameux bitume dont on reparlera. En fait c’est la grande Trinidad ( 12 fois plus grande que la frangine Tobago) qui se développe, s’industrialise, s’enrichit. La circulation britannique donc à gauche, avec conduite à droite, est redoutable, avec un réseau routier très insuffisant et encombré. Toute la côte W est très urbanisée, souvent de façon anarchique, avec des routes où les queues de voitures se chiffrent en Kms.
Port of Spain la capitale est un gros embouteillage entre 14h00 et 16H00 (heure de fermeture des bureaux).
Les différents présidents n’ont pas pu ? su apporter de réponse à cette circulation pléthorique.
Les différents présidents de TT depuis 1975.
Il n’y a qu’un million d’habitants sur les 2 îles, et que 50.000 à Port of Spain, mais à voir les encombrements routiers, il semble que même les gosses et nourrisons sont motorisés ….
Sur le plan politique, indépendante en 1962, démocratie avec un gouvernement et un parlement, TT appartient au Commonwealth qui regroupent les anciens pays de l’empire britannique. La langue officielle est l’english, assez peu créolisé.
Avant de rejoindre la baie de Chaguaramas à Trinidad, nous filons visiter la petite sœur Tobago qui nous offre quelques beaux mouillages au pied de jolies collines boisées, à l’eau souvent claire. Certes ce n’est pas encore le bleu turquoise des Grenadines, mais enfin j’arrive à voir plus loin que le bout de mon fusil, et nombres de perroquets, poissons anges, et autres thazards vont le regretter. On retrouve les coraux…
Charlotteville nous accueille de nuit et nous déposons doucement la pioche au milieu des barques de pêche, sans bruit ni vague au radar ( mais non … ! au sens propre … avec le radar).
C’est un peu olé olé car j’ai des « blèmes » avec le moteur , il cale facilement, et donc sans frein…., je me faufile entre les embarcations sans « faire de bois…. », à mon grand soulagement.
Charlotteville à Tobago.
Allez plouf !!! dans l'eau ....
Vous me reconnaisez ?
Corail de feu.
Cerveau de Neptune.
Chirurgiens bleus.
Barracuda.
Tazar..
Poisson Ange Français beaucoup plus connu sous le nom de Pomancanthus Paru n'est-ilpas ?
Poisson Perroquet (Scarus)
Tobago la petite, encore relativement préservée des affres du progrès, est agréable à visiter , à vivre.
Charlotteville.
La petite route qui relie Charlotteville à la sous capitale Scarborough, parcourue en taxi brousse est superbe, sinueuse à souhait, car Tobago est montagneuse.
La belle forêt de Tobago.
Scarborough la ville principale, foisonnante autour du marché, reste verte et aérée, une fois sorti du centre
Maison à Scarborough
Pimpons Tobagiens.
Jardin Botanique de Scarborough.
Après quelques jours de baignade , et pêche, nous filons vers Trinidad en faisant une jolie escale à Englishman Bay.
La Licorne à Englishman Bay.
Un petit treck en remontant la rivière, nous emmène dans la forêt tropicale.
Treck along the river.
Rouleaux de bambou géant.
Héliconia.
Faune et flore sont varièes parfumées et colorées.
Bon allez au boulot…. Direction Trinidad, en passant par les Bouches du Dragon, nous rejoignons la baie de Chaguaramas au NW (nord ouest) du golfe de Paria.
Les Bouches du Dragon, avec le Venezuela au fond à droite.
Chagua à l'extrémité NW de l'île, reste un des hauts lieux de la plaisance, les chantiers sont légions, les possibilités de réparation nombreuses, pluridisciplinaires et efficaces. Plus de 5.000 voiliers et bateaux à moteur viennent y faire leur carénage, se restaurer après une transocéanique, et surtout se protéger des cyclones de Juin à novembre.
Un seul bout de cyclone sur Trinidad lors du dernier siècle, les gros hurricanes ayant la bonne idée de passer au N de TT.
Donc l’endroit idéal pour La Licorne, qui a besoin d’un bon bouchonnage avec antifouling, et pas mal de réparation après 5 ans de vadrouilles maritimes. Je compte bien changer les joints de mon arbre d’hélice, restaurer la cabine avant, car Sophie (ma fille) doit nous rejoindre bientôt, nettoyer le tank de gasoil babord, réparer le cable de la dérive que j’ai cassé au Brésil. De plus nombre d’appareils sont en rade, le petit pilote automatique, l’écran du GPS, le radar qui bafouille, l’échosondeur qui est out…… bref ! du « taf à donf ! »
Soso ma fille unique préférée...
Avant de vous faire partager (pour les ceusses qui sont curieux) l’ambiance d’un chantier naval, je vous emmène visiter les deux, trois endroits de la grande île plus ou moins remarquables..
La côte W dont je vous ai vanté le développement, mène dans le sud vers Pitch Point, et Pitch lake, curieux petit lac où la baignade est déconseillée ‘à moins de vouloir mimer le pélican mazouté du delta du Mississipi…), s’étendant sur quelques hectares, il fait partie des trois lacs du monde qui sont des lacs d’asphalte à découvert, qui sert à fabriquer nos routes et parkings…
Curieuse résurgence naturelle de bitume offerte par dame Nature….
Allez filons vers le Sanctuaire d’Oiseaux de la rivière Caroni. Deux heures en barque à photographier la faune aviaire locale. Balbuzards, martins pêcheurs, Aigrettes, hérons, pélicans et clou du « pestacle » le ballet des rouges ibis, qui en fin de journée rallient leurs nids en alternance avec les blanches aigrettes. Le vol en escadrille de quelques unités, à une petite dizaine de volatiles, va durer une bonne heure, plus de 15.000 oiseaux étant recensés dans ce sanctuaire.
C'est en barque rapide que nous filons sur le fleuve Caroni, en plieine mangrove faite de palétuvier blancs noirs, blancs, rouges... qui parfois récélent des surprises de type reptilienne....
Palétuvier blanc.
Boa Arboricole.... à voir son ventre, il semble faire la sieste après un bon geuleton...
Je vous présente le rapace masqué..... et pêcheur de surcroit....: le Balbuzard.
... beaucoup moins "bégueule" mais tout aussi pêcheur ... : le pélican.
..beaucoup plus discret mais tout aussi pêcheur et masqué .... : le Fou Masqué.
... tel le Fou Masqué en vol...
Curieusement une fois nichées, les aigrettes disparaissent pénétrant le feuillage des arbres, alors que les ibis restent visibles, posés sur le fait des branches.
Une petite vidéo pour vous faire partager le très joli ballet tricolore, BLEU (aigrette Bleues), BLANC (aigrettes blanches) et ROUGE (ibis).
Sanctuaire des Oiseaux de Caroni à Trinidad
On dirait un Miro....
Enfin nous allons vous emmener sur la côte N vers Blanchisseuse non loin de Matelot (petits villages de pêches à la consonance bien francophone, séquelle d’une présence hexagonale « very long time ago … ».
Virée vers Blanchisseuse..
Sur le route de Blanchisseuse...
Incroyable culture sous treille... mais que font-ils pousser ainsi caché des clichés aériens...?
de loin comme ça .... on dirait bien.... des plantations de Jeanne... enfin de Marie-Jeannne ... non ? (nous n'avons pas osé prélever des échantillons n'ayant pas de gilets pare-balle sous la main....).
C’est parti pour une jolie balade qui après 3 heures de « crapahut » sur une sentier côtier,va être brutalement interrompue par une pluie tropicale assez torrentielle pour nous faire rebrousser chemin.
Un treck vers les Paria Waterfalls.
Jolies feuilles digitées de l'Arbre à Pain.
Belles cabosses du Cacaoyer......
Allez assez « traînassé », au boulot !!!
Dernier mouillage à Chaguaramas devant les chantiers.
A l'aube voilà ce que ça donne....:
Chagua au petit matin....
Donc nous rejoignons un des chantiers de Chaguaramas en l’occurrence I.M.S un des moins onéreux…. Schok, un british typique nous accueille gentiment. Le « travel lift » (portique qui sort de l’eau les bateaux) est piloté par Robert alias « fatman » le « quintalissime » Trinidéen.
La Licorne est déposée au milieu du chantier sur des poutres de bois et étayée par une dizaine de potences.
Le travel-lift piloté par "Fatman" peut sortir des bateaux de plus de 60 tonnes...
Non loin d’une plateforme pétrolière en réparation, à côté d’une usine de fabrication de tuyaux de pétrole, l’ambiance est contrastée entre industrie et nature. Chaque matin c’est le piaillement des perroquets qui nous réveillent, le chant des Tyrans Vintivi et des merles à queue en V qui nous accompagne la journée avec les chargements et le balai des camions, avant le relais des grenouilles et autres grillons nocturnes.
Conciliabule merlesque.
Quiscale Merle à queue en V.
Tuyaux pour pétrole et plateforme de forage en second plan.
Première étape, le câble de la dérive est réparé en 2 heures.
Deuxième étape nettoyage de la cuve de gasoil bâbord, qui est contaminée par de l’eau et des bactéries, ce qui nous le verrons est peut être à l’origine de mes ennuis de moteur.
200 litres sur les 500 de la cuve, à siphonner et virer, puis dépose du regard boulonné, dépose des 10 lingots de plomb qui lestent la Licorne, nettoyage et rinçage à l’alcool, mise à l’air , siphonage des canalisations à l’aide d’air comprimé de la bouteille de plongée, réfection du joint du regard ,… voilà comment occuper quelques heures de la journée
Reservoir à gasoil babord avec ses gueuses de 35 Kg de plomb faisant office de lest.
Troisième étape, réfection de la cabine avant : démontage, dévisage, des étagères équipets, listons, portes, puis ponçage, 3 couches de laque International crème, vernissage des boiseries, réparation des fermetures de placards, et voili le résultat :
La cabine avant........ avant.... le boulot...
photo
La Cabine AVant... après.
Quatrième travail, qui va me prendre 5 jours : le changement des roulements et joints de l’arbre d’hélice. Il s’agit d’un arbre hydraulique de 150 cm pour un diamètre de 55 pesant un bon quintal qui traverse la coque reliant l’hélice au moteur. La dépose des différents joints spi et bagues, roulements, est galère, car dans le couloir la tête dans le tunnel derrière le moteur, la température avoisine les 35°c .
Arbre d'hélice coté extérieur, avec ses joints spi et bagues alu., soutenu par un crick.
A la sortie du moteur-inverseur à l'intérieur....:
Le même arbre côté interne,.... qui se trouve .....là
dessous.... dans le tunnel sous la soute à voile .... 5 journées de rêve par 35°c !!
Joints arrière.
Le résultat des courses est peu satisfaisant car l’arbre fait toujours du bruit en marche. Mais bon je sais maintenant comment est foutu ce foutu arbre. (c’était le dernier coin du bateau que je n’avais pas encore exploré, la dernière pièce mécanique que je n’avais encore démontée, remontée.)
Bon il ne reste plus que le carénage proprement dit.
Pour les néophytes, le carénage est le nettoyage, ponçage, et application du fameux anti-fouling sur les œuvres vives de la coque. C’est la partie immergée de la coque, celle qui baigne….. alors que la partie surnageante (émergée) la seule visible est dénommée « oeuvres mortes ».
Seul petit problème au sujet du carénage de La Licorne, est la qualité de la peinture antifouling. Le Strongal (aluminium épais de la coque de La Licorne), ne supporte pas la plupart des produits sur le marché car riches en cuivre, sous peine de risque important d’électrolyse (processus qui peut rapidement transformer le Strongal en emmenthal…… ce qui avouons- le ,n’est guère compatible avec une bonne flottaison …).
Pour les curieux je précise que l’antifouling nécessite une sous couche d’accroche, en général une peinture époxy.( 4 couches sur La Licorne) puis 3 couches d’antifouling.
Pour faire rapide voici deux photos:
avant...
après.... entre les deux 2 jours, 4 heures par couche, 4 couches...
Et voilà presque 3 semaines que nous travaillons de 6h à 17h sur le parking à bateau.
L’arrivée de Sophie prévue pour demain va nous libérer des travaux, avec une remise à l’eau tranquille…..
Malheureusement le moteur tombe en rade, avec une mise en marche de plus en plus difficile et une impossibilité de ralentir, une fois lancé. Sur un voilier ce n’est pas rédibitoire, mais cela reste très gênant, lors des manœuvres portuaires ou au mouillage.
Après une petite virée aux portes des Grenadines (Visite de Grenade et Cariacou) pour balader Soso, nous devons revenir à Chaguaramas pour démonter la pompe d’injection, qui est « out ».
Pompe d'injection en vrac....
Voilà on rentre au pays, en métropole pour passer les fêtes en famille, et pour trouver une autre pompe Bosch…. Dire que c’est le moteur qui est la pièce la plus récente du bateau…ça fait râler……. A peine 1200h de moteur et la pompe out….. le diagnostic serait une probable contamination du circuit de gasoil par des …. ? mais je n’y crois guère.
Voili la suite de nos aventures en mer des Caraïbes est reportée..
Je finis comme d'hab avec quelques clichés sympa, enfin que j'aime bien...
Un petit sunset.
Une sauterellle carrossée par Philippe Strak.
Un beau poisson flûte.
Le beau mouillage de Chaguaramas.
Nénuphar géant Victoria Amazonica.
A bientôt